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Interview Georges Séguy, ex-leader de la CGT : « Le nazisme a fait de moi un combattant » par Sébastien Couratin
Rangé des activités syndicales, l’ancien leader de la CGT (1967-1982) reste un éternel militant de 88 ans, qui place tout son espoir dans la jeunesse.
Mais cet ancien est aussi un moderne. Même retiré des centres de décision, l’ancien leader de la CGT garde l’œil rivé sur la seule lucarne qui l’a jamais intéressé : l’avenir de l’humanité, dont le salut passe « par la jeunesse et l’action collective ».
…« J’ai été déporté avec seize autres camarades. Il n’en est revenu qu’un : moi… »
Votre jeunesse a pourtant été difficile. Vous avez été résistant, puis déporté pendant plus d’un an. Quels souvenirs conservez-vous de cette expérience ?
J’ai été arrêté par la gestapo à Toulouse, en 1944, puis déporté à Mathausen (Autriche), avec seize autres camarades, où j’ai subi la brutalité des SS. Il n’en est revenu qu’un : moi… Je ne dirais que les autres ont disparu. Ils ont été assassinés, la moitié sous mes yeux. Ils étaient traités de telle façon qu’ils ne pouvaient survivre.
Cette expérience a dû vous transformer.
Je l’ai payé sur le plan physique. J’ai pardonné aux Allemands mais pas aux nazis, c’est impossible.
Même si, paradoxalement, je leur suis redevable de ce que je suis devenu.
Le nazisme a fait de moi l’homme que j’ai essayé d’être toute ma vie : un combattant de la liberté.
Pas pour régler mes comptes, mais pour servir cette cause, y compris à travers mes activités syndicales.
Quel était votre rôle dans la Résistance ?
Je travaillais dans une imprimerie clandestine, au service de la Résistance.
Nous étions dix-sept : tous les camarades arrêtés et déportés à Mathausen.
À la sortie du camp, en 1945, on a prêté serment, avec tous les détenus qui avaient survécu, de poursuivre la lutte pour la liberté.
Je suis resté fidèle à cette promesse et à cette cause que j’ai failli payer de ma vie.
Vous avez été promu très jeune à des postes importants à la CGT.
Imaginez le jeune de 18 ans que j’étais, qui survit à la déportation.
À mon retour, tout le monde s’est précipité sur moi pour me témoigner sa confiance, puis me confier des responsabilités syndicales.
C’est dans le syndicalisme que j’ai le mieux exprimé mon attachement à la liberté.
J’ai commencé à Toulouse, puis je suis monté à Paris, où j’étais le plus jeune permanent de la CGT.
Mais je n’ai jamais rien sollicité.
Je ne regrette rien.
J’en suis même plutôt fier.
Quand je vois la société d’aujourd’hui, je suis souvent déçu.
Pourquoi ?
Je trouve que les gens sont devenus trop individualistes.
Aujourd’hui, mieux vaut être personnel que collectif.
Ce n’est pas mon idée.
Tant que je serai lucide, je resterai fixé sur la conception qui m’est chère : l’action collective.
Vous avez toujours votre carte de la CGT.
Oui, mais maintenant, je suis syndiqué en tant que retraité?!
Comment expliquez-vous l’érosion du syndicalisme ?
L’individualisme s’est emparé de trop de consciences.
Ça nuit à la collectivité, y compris à ceux qui se sont emparés de cet esprit individualiste.
Mais je ne suis pas pessimiste au point de croire que l’on est foutu.
Le moment arrivera où la conscience de la collectivité reviendra.
J’essaie d’œuvrer en ce sens.
Voilà pourquoi je suis fier d’être ce que je suis.
Quand je peux apporter ma contribution à ceux qui sont soumis à cet égoïsme, je constate que je n’ai pas tellement vieilli?!…
…Le monde égoïste dont vous parlez est aussi anxiogène : crise, chômage, communautarisme…
Tout cela vient de cet égoïsme qui tourne le dos à la liberté.
C’était mieux, avant ?
Les trente glorieuses ont joué un grand rôle, surtout dans la façon dont les classes ouvrières ont apporté leur contribution, après la guerre, à la mise en place du programme du Conseil national de la Résistance.
Depuis 1958, c’est le déclin.
Je regrette qu’on ait perdu la volonté de construction du pays qu’il y avait au lendemain de la Libération.
Mais il n’est pas trop tard.
On y reviendra, grâce aux générations futures.
J’espère avant mes 150 ans?!
L’âge, en tout cas, ne semble pas éroder votre confiance en la jeunesse.
Il faudra beaucoup compter sur elle.
Dans certains pays, elle est en train d’exprimer les choses qui ne vont pas.
De façon beaucoup plus directe que je ne le faisais, lorsque j’étais jeune.
Cette force de la jeunesse progresse de plus en plus vite, en Grèce ou en Espagne.
Je crois en eux.
Un jour, il faudra faire l’examen de ce qui a réussi dans le passé pour aller de l’avant.
Lire l’article dans sont intégralité dans l’echo républicain.fr…
————————————————————————————————En Savoir Plus : GEORGES SÉGUY
Syndicaliste français, secrétaire général de la Confédération générale du travail (C.G.T.) de 1967 à 1982.Né à Toulouse d’un père cheminot membre du Parti communiste, Georges Séguy est devenu, après son certificat d’études, conducteur typographe, comme André Bergeron.
En 1942, il adhère au Parti communiste. Responsable des Francs-Tireurs et Partisans français, il est arrêté deux ans plus tard par la Gestapo.
À dix-sept ans il est déporté au camp de Mauthausen.Après la guerre, Georges Séguy entre à la S.N.C.F. comme ouvrier électricien (1946-1970).
Membre du syndicat des cheminots de Toulouse en 1946, il devient secrétaire (1949) puis secrétaire général (1961-1965) de la fédération des cheminots C.G.T.
_Parallèlement à sa carrière syndicale, Georges Séguy mène une carrière politique : en 1954, il entre au comité central du P.C.F. et, en 1956, au bureau politique.Mais Georges Séguy ne devient véritablement un personnage public qu’en 1967 lorsqu’il succède au vieux leader Benoît Frachon comme secrétaire général de la C.G.T.
_Pendant quinze ans, sa faconde, ses petites phrases vont marquer la vie sociale et politique.
Il sera aussi un des principaux acteurs des événements de mai 1968, négociant aussi bien avec Georges Pompidou qu’avec les ouvriers de Renault-Billancourt.
En 1982, Georges Séguy atteint les cinquante-cinq ans fatidiques pour les cheminots, en juin, il cède le secrétariat général de la C.G.T. à son second, Henri Krasucki.